Témoignages – Après l’avortement
Cet enfant était dans nos projets, … à moyen terme !
Ma compagne a avorté il y a quelques jours.
Moi, je voulais qu’on le garde. On avait tout pour accueillir cet enfant.
On s’aime. On a le projet de rester ensemble ; de faire notre vie ensemble. On travaille tous les deux. On a de bonnes situations. On a un appartement suffisamment grand pour avoir un enfant et des familles qui nous soutiennent.
D’ailleurs, cet enfant était dans nos projets à moyen terme. Il est arrivé un peu plus tôt que prévu, c’est tout.
Elle a eu peur… Quand elle a vu le résultat positif du test de grossesse, elle a d’abord été heureuse. C’est après qu’elle a paniqué.
Avant l’avortement, elle disait qu’elle ne se sentait pas prête à être mère à ce moment-là. J’ai essayé de lui dire, comme je l’ai entendu chez des couples amis, qu’au début de la grossesse, une femme se sent fatiguée, chamboulée et que c’est peut-être cet état-là qui lui donne l’impression de ne pas être à la hauteur…
Elle a avorté de notre enfant, et je n’ai rien pu faire. Je n’avais même pas le droit légal de faire quoi que ce soit pour notre enfant, … pour mon enfant. Je n’ai pas le droit légal de revendiquer ma paternité. Je n’ai pas le droit de la faire reconnaître. Je n’ai même pas le droit d’y prétendre.
Depuis l’avortement, elle pleure…
Tout s’est passé si vite… Je n’ai pas de mots pour qualifier ce que nous avons vécu.
Elle souffre physiquement, moralement, … Elle n’est que souffrance… Je voudrais la rejoindre dans sa souffrance, l’aider, faire quelque chose.
Depuis l’avortement, elle est comme une île de souffrance, inaccessible. Elle vit dans une solitude que nous n’avons pas voulue. Je veux la rejoindre…
Elle reste couchée. Elle ne parle presque pas. Je ne la reconnais pas. Je ne l’ai jamais vue comme ça. J’ai parfois l’impression de devenir de trop dans sa vie, moi aussi.
J’ai peur pour notre couple. Aujourd’hui je ne suis pas sûr que notre couple pourra survivre à ce que nous vivons actuellement
N…
Grossesse surprise
À 26 ans, quand je suis tombée enceinte par surprise et que la question se posait si, oui ou non, je devais garder mon bébé, tout mon entourage s’opposait à moi. Ma situation n’était pas assez stable, avec peu de moyens, et je ne savais pas exactement qui était le papa. Et du coup, je suis seule !
Pour l’avortement, j’avais fait toutes les démarches pour faire avorter mon enfant. Je me suis rendue trois fois au Planning familial. Tout d’abord, pour avoir un entretien avec un psychologue pour savoir si j’étais apte psychologiquement à subir l’acte. Ensuite l’examen clinique, pour savoir si physiquement mon corps pouvait le subir. Et enfin, la troisième fois, pour l’intervention. J’étais sûre et certaine que j’allais le faire. Pour moi, il était impossible que je garde mon enfant.
Au moment où l’on m’a donné les médicaments en main pour préparer l’IVG, c’est à ce moment-là que j’ai eu comme une ’sortie de corps’, une crise d’hystérie. On m’a embarquée à l’hôpital dans le but de m’hospitaliser en psychiatrie.
Après quelques heures de crises et quelques médicaments calmants, j’ai eu une conversation avec un psychologue, qui m’a répondu qu’il était vrai que ma situation n’était pas facile mais, je n’étais pas un cas pour la psychiatrie ; et qu’il fallait que je rentre à la maison, que je réfléchisse à ma situation.
Après une semaine de réflexion, j’ai donc décidé que je garderais mon bébé. Et après ça, ma grossesse a été comme une fusée qui partait vers la lune. Quand ma fille est née, on a eu une grande surprise aussi… Elle est née avec le syndrome de Turner ; c’est une maladie génétique. Cela a un rapport avec les chromosomes X et Y, au moment de la fécondation. En principe, les filles sont XX, mais elle est née X0.
Ma rencontre avec Le Souffle de Vie, dès le début de ma grossesse, m’a donné beaucoup d’espoir et de force. J’ai beaucoup moins peur d’affronter l’avenir, malgré mon peu de moyens. Je remercie aussi beaucoup le Souffle de Vie pour tous les objets et les petites affaires dont je me sers pour mon bébé, et pour tous les autres bénévoles qui rendent la vie possible au Souffle de Vie !
Gabrielle
J’ai pris un rendez-vous et quelques jours plus tard, c’était fait.
Je suis H. et j’ai maintenant 36 ans. Il y a 12 ans, je me suis retrouvée enceinte. Cela a provoqué en moi angoisse et panique. Il n’y avait ni argent ni logement. Je vivais dans la drogue et la gêne. L’angoisse provenait-elle des expériences traumatisantes de ma jeunesse ou provenait-elle de l’usage de la drogue ?
Cependant, il y avait quelque chose en moi qui désirait prendre soin de l’enfant mais comment ?
J’avais également peur de la réaction des amis et de la famille. Je sentais changer mon corps et ne savais que faire. Je n’osais dire la réalité à personne.
Finalement, je l’ai quand même dit à mon ami et nous sommes allés ensemble chez le médecin. Là on m’a mis dans les mains un feuillet d’un centre de planning familial. J’ai pris un rendez-vous et quelques jours plus tard, c’était fait.
Après l’avortement, j’ai ressenti un grand vide, je n’étais absolument pas soulagée et cela n’a fait qu’empirer. Au fil du temps, j’ai appris à me passer de drogue. Je m’appliquais davantage aux études et au travail.
Pourtant je me sentais de plus en plus isolée. Etablir des contacts fut difficile pour moi. Je ne voyais plus beaucoup mes anciens amis de la drogue et je ne me sentais plus trop bien en leur compagnie. J’étais de plus en plus seule. Tous les sentiments de culpabilité s’accumulaient. Je n’en sortais plus, j’étais cassée et ne pouvais pas m’en sortir seule. …
Tous ces secrets, tous ces sentiments de culpabilité étaient lourds à porter. Je ne parvenais plus à travailler correctement au boulot ; là aussi j’avais commis des fautes. J’ai alors démissionné car je trouvais qu’un autre avait droit à mon contrat et je pensais qu’ainsi tout se solutionnerait.
Mais je suis tombée encore plus bas… Je suis tombée malade, j’ai fait une psychose et de l’hyperventilation. Je ne savais plus respirer et par conséquent plus parler. J’ai atterri à l’hôpital, il y a trois ans de cela maintenant.
Durant ma maladie, j’ai rencontré des croyants et j’ai été fascinée par leur manière de parler de Dieu et d’agir… C’est ainsi que j’ai fait une retraite où j’ai rencontré frère A. Je lui ai parlé de mon problème. Il a gardé contact avec moi et m’a donné les coordonnées de Levensadem. J’ai découvert le sacrement de réconciliation ce qui m’a également beaucoup aidée. Je pouvais enfin en parler à quelqu’un. …
J’ai appelé Levensadem et fixé un rendez-vous. J’ai fait un Chemin d’Emmaüs avec Jo et Veva. Ils m’ont donné l’espace pour POUVOIR faire le deuil, pour pouvoir donner une place dans ma vie à mon enfant avorté, sans préjugés ni reproches. Pendant la retraite, j’ai donné un nom à mon enfant : « Jona ». J’ai recommencé à respirer et à réapprendre la vie.
Mais en même temps j’ai commencé à ressentir pleinement la douleur et le chagrin de l’avortement. Pourquoi n’étais-je jamais allée trouver quelqu’un pour lui parler de ma grossesse ? Pourquoi avais-je détruit, laissé tuer, une telle merveille ? Je ne ressentais que peine et manque. …
Levensadem m’a également trouvé une famille de parrainage qui m’apporte beaucoup d’amitié, d’amour et de prière. Un deuxième foyer, une main aidante, un mot compatissant et affectueux…Tout cela m’est offert là-bas. La famille de parrainage me ramène à la vie, elle m’apporte la joie et les pensées positives. … Aujourd’hui, quand je regarde autour de moi, je réalise ma chance et mes possibilités ; je vois des issues et reçois beaucoup d’amitié.
Passer du gouffre au verger
Il est là, devant nous, épaules et yeux baissés. Les mains, le menton, les lèvres tremblent un peu par moments… Il essaie de parler, … nous regarde suppliant,… les paupières se referment pudiquement sur le silence qu'il voudrait briser.
La chaise à la table de notre salle à manger familiale, la tasse de café,… - Non, je préfère un verre d'eau, s'il vous plaît - ne parviennent pas à amadouer les mots attendus de lui, comme de nous. Combat interne que l'on devine tumultueux, faisant le siège de sa gorge.
Nous parlons d'autre chose…
Il reviendra quelques jours après, enfiler les mots par groupe de deux ou trois, le long de cette chaîne qui le rend prisonnier de son histoire. Cela fait des années qu'il souffre à n'en plus finir, descendant comme dans un gouffre sans s'étonner lui-même de ne pas encore avoir senti sous ses pieds, le fond sur lequel il pourrait rebondir, reprendre un peu haleine.
Sa femme?... Oui, c'est lui qui l'a poussée à se faire avorter. A-t-il consenti ou plus? Attendait-elle son consentement ou non? Tout est allé très vite. Ce n'est qu'après l'avortement, que tout a basculé. Le sol de sa vie s'est transformé soudain en une pente vertigineuse… Il a perdu pied,… sans un mot échangé avec sa femme à propose de l'avortement,… sans comprendre,… et sans peut-être même oser penser qu'une pente peut se remonter. Quand on se culpabilise ou quand on se sent coupable, on peut aller jusqu'à se refuser inconsciemment, une vie meilleure.
Aujourd'hui, après plusieurs mois d'accompagnement post-avortement, il se relève comme les branches des arbres au printemps. Il nous parle de ce celui qu'il a planté dans un coin de son verger: signe de cette vie qui toujours renaît, reprenant ses droits, comme ressurgit la pousse d'un vert tendre, sur le sol calciné.
Témoignage de Ruben
Une récit d’avortement est une histoire terrible où quelqu’un laisse la vie de façon pénible. Quand on jette un regard plus intense sur le récit, apparaît alors l’image de la mère, qui se retrouve avec beaucoup de chagrin et de dépression dès qu’elle réalise ce qui est advenu. Elle a aussi besoin d’être aidée. C’est pour cela que je me suis dit que ce n’était pas une mauvaise idée de mettre mon récit sur papier.
Lors de ma période estudiantine, j’étais encore peu réfléchi, le monde s’étalait à mes pieds. Après une demi-année, j'ai rencontré une chouette fille, qui est devenue rapidement ma petite amie.
Une chose en amenant une autre, après quelques rapports sexuels suivis de panique, nous avons "décroché le gros lot". Je venais de partir en congé avec un copain dans les Ardennes lorsque mon amie me téléphona, nerveuse, avec la confirmation qu’elle était bien enceinte. De par les circonstances, il était urgent de prendre une décision: allait-elle soit se rendre à un hôpital pour faire contrôler sa grossesse, soit choisir l’avortement? Ses parents ne pouvaient absolument rien savoir. Une de ses amies lui avait conseillé une clinique pour avortement et était prête à l’accompagner. Alors que je considérais l’avortement comme étant totalement mauvais, je fus également pris de panique et je n’avais pas d’issue. Finalement, j’ai acquiescé mais je voulais l’accompagner moi-même plutôt que de laisser sa copine y aller à ma place.
Au moment même, j’ai très peu réalisé ce qui se passait: je devais attendre simplement dans un couloir et ne réalisais qu’à moitié ce qui était en train de se dérouler. J’avais 19 ans et je me sentais mis en "échecs et mat" par les circonstances. Comme je n’osais en parler à personne, je ne me savais évidemment soutenu par personne! Dans cet événement, je ne réalisais pas non plus mon rôle comme partenaire envers ma copine ainsi que comme père envers cet enfant. Je disais juste oui à tout, même si tout cela allait à l’encontre de mes envies. Les mois d’après, nous ne faisions que nous disputer et je ne voyais plus de raison, après cet avortement, de rester ensemble. J’ai donc mis fin à la relation.
A mes parents, je n’en ai parlé que quelques années après. Bien que ma mère m’ait tout de suite dit que ce n’était pas mon choix et que je n’en étais en fin de compte pas responsable, je pensais différemment à ce sujet. Je tournais en rond avec un sentiment de dégoût lorsque j’y pensais et il m’arrivait même d’en rêver. Lentement, tout cela fut refoulé. Mais quand je suis devenu plus âgé et que tous mes copains commençaient eux-mêmes à avoir des enfants, tout est revenu à la surface. Finalement, 10 ans après, je suis tombé sur un dépliant du Souffle de Vie - Levensadem. C'était la première fois que je prenais connaissance d'une telle initiative. En la découvrant, j'ai pressenti une chance pour moi de clarifier le vécu de cette situation refoulée et de ne plus passer à côter. Via Veva et Jo de l'antenne néerlandophone, j’ai pu parler ouvertement de tout ce qui s’était passé et j’ai pu parcourir le « Chemin d’Emmaüs »; un programme pour envisager le tout, étape par étape. En demandant pardon à Dieu et en étant ainsi libéré de ma faute, j’ai enfin eu la capacité d’aimer mon propre enfant, même si c’était beaucoup trop tard. Et ainsi, j’ai pu parcourir un processus de deuil et digérer tout ça. Ne vous faites pas d’illusions cependant, ce qui a eu lieu, a eu lieu et ne peut être effacé. Les cicatrices demeurent et la douleur au cœur ne s’efface jamais complètement. La honte également, qui m’a poussé à prendre une décision si mauvaise, je dois encore la vaincre lorsque je partage à des personnes ce que j’ai tout de même fait. Un tel secret, il m’est impossible de le garder pour moi.
Souvent je pense au fait que si j’avais connu des organisations à cette époque-là, ou bien des gens qui auraient pu m’aider, les choses auraient quand même pu se passer autrement. Jusqu'à présent, je n'avais jamais été confronté à un tel récit ni à un tel organisme tel que le Souffle de Vie - Levensadem. J'aimerais pouvoir contribuer en partie à aider et soutenir d’autres personnes dans cette situation et dans les circonstances erronées de précipitation et d'inconscience. J'aimerais également attirer l’attention de l’homme ne prenant pas sa responsabilité dans cette histoire. Il risque fort de se retrouver aussi brisé et en échec. Une attitude secrète de silence et de déni est une injustice et maintient le cercle vicieux pour la génération suivante qui fera à nouveau les mêmes erreurs. L’enfant devient âgé, c’est pareil pour l’avortement qui gagne en âge de sorte que vous ne pouvez pas vous retirer d’une grossesse non planifiée. Maintenant en tant que chrétien, j’évite aussi moi-même les rapports sexuels avant un mariage et je sais pourquoi. Encore et toujours aujourd’hui, des personnes se moquent de moi quand je leur raconte ceci, mais si je peux faire réfléchir ne serait-ce qu’une seule personne, alors, je suis prêt à supporter toute moquerie.
Ruben
Ruben a également écrit un petit poème pour son enfant :
LETTRE OUVERTE
Ce qui t’est arrivé et pourquoi,
Je ne peux le cerner.
Je t’ai seulement connu
Comme le petit poussin
Qui jamais n’est sorti de sa coquille.
Je ne t’ai jamais regardé dans les yeux
Ou tenu ta petite main
Dans mon index.
Pourtant, j’ai été ton père un moment
Et toi mon enfant.